Activités diverses

La lutte contre le harcèlement scolaire

Par YANN CORBISIER, publié le jeudi 23 juin 2022 11:55 - Mis à jour le vendredi 2 décembre 2022 14:09
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L'objectif est d'amener les élèves à se questionner sur les différentes formes d'inégalités qui s'entrecroisent dans notre société, sur les effets des normes sociales (notamment de genre), et à développer leur analyse des mécanismes de stigmatisation

Nous remercions la direction du lycée professionnel Guynemer d’avoir accepté de financer ce projet.

 

Intervenants : L’association «Virus 36»

La classe : TCAP - 3 Agents de sécurité

 

Cette année, nous ne sommes intervenus qu’auprès d’une seule classe, sur un cycle de 4 séances.

Le bilan de cette intervention reste toutefois positif.

Nous avons pensé le déroulé de notre cycle de 4 séances de manière à aborder avec elles et eux la question des discriminations. Notamment sexistes et homophobes, en partant de leurs vécus et de leurs réalités, et en abordant cette question sous plusieurs angles et avec différents outils (exercices d'argumentation, analyse d'extraits de programmes audiovisuels, Théâtre-forum...).

L'objectif est d'amener les élèves à se questionner sur les différentes formes d'inégalités qui s'entrecroisent dans notre société, sur les effets des normes sociales (particulièrement de genre). À développer leur analyse des mécanismes de stigmatisation, d'exclusion et de violences envers des groupes minorisés. Si nos interventions suscitent parfois quelques réactions vives et génèrent quelques « frottements » bien compréhensibles, elles donnent toujours lieu à des échanges riches et permettent d'amorcer des réflexions salutaires chez les élèves. Nous tâchons en effet de les accompagner dans un processus d’apprentissage de la vie en société qui participe à la construction de leur personnalité. Le tout dans l'optique de susciter chez elles et eux l'envient de développer leur esprit critique, leur empathie et d'entreprendre des relations égalitaires, notamment entre filles et garçons.

 

Séance 1

Cette séance introductive a été dédiée à l'analyse des phénomènes d'oppressions et d'injustice encore présents dans notre société. Tout d’abord, nous avons mis en place un premier jeu de connaissance (caractéristiques positives de son/sa voisin.e), et la construction commune des règles des séances (bienveillance, limite de la confidentialité…)

 

À travers des jeux d’expression, nous avons mis à jour les mécanismes d'infériorisation et de discrimination de certains groupes, selon les différents critères que nous avons fait émerger. En déplaçant les critères actuellement vecteurs de discrimination (tels que « l'origine », la couleur de peau, le patronyme, le sexe, l'orientation sexuelle, le lieu d'habitation, l'âge, la classe sociale...) vers d'autres critères plus insolites (tels que la couleur des chaussures), nous avons ainsi mis en évidence le caractère construit et arbitraire des discriminations et débattu des inégalités et des injustices sociales, à partir de ce que les élèves vivent dans leur vie et, plus particulièrement, au lycée. Cela a permis de montrer comment s'opère et se perpétue la hiérarchisation entre individus et groupes d'appartenance. Nous avons pu interroger les notions de pouvoir, de normes dominantes, d'exclusion et de stigmatisation, tout en gardant comme cap la recherche de rapports sociaux égalitaires et de relations respectueuses des choix et des identités des individus.

 

Séance 2

Pour cette séance dédiée aux relations amoureuses et intimes, plus particulièrement à travers le prisme de la question du consentement et des relations égalitaires, nous avons divisé les groupes en deux, avec les filles d’un côté et les garçons de l’autre, afin de mettre le plus possible à l’aise les élèves. À l'instar des années précédentes, nous avons trouvé que les élèves étaient peu sensibilisé.e.s aux problèmes élémentaires de santé sexuelle. Le support utilisé (un jeu de questions tirées au sort par un élève, à tour de rôle) conduit à aborder des questions concrètes autour de la sexualité, de la contraception, de la prévention des risques, mais aussi à questionner les relations intimes en tâchant de créer une atmosphère bienveillante propice à des échanges sincères malgré l'attitude provocatrice de quelques-uns (consentement, identité sexuelle, injonction à la sexualité, communication bienveillante entre partenaires, homosexualité, lien amour-jalousie-violence, nouvelles technologies et rapport au public/intime). Cet espace d’expression et de réflexion a été particulièrement investi par les filles qui ont eu des échanges approfondis.

Côté garçon, les échanges ont été plus compliqués. Le travail autour du consentement, du respect du corps de l’autre, de la réputation faite aux filles, notamment via les nouvelles technologies, vient bousculer les adolescents, ce qui a pu être compliqué dans ce groupe. Certains jeunes ont été particulièrement réfractaires à accepter l’importance du consentement, du plaisir féminin.

 

Outils/supports utilisés : planches anatomiques, organes sexuels en 3D, livrets et matériel pédagogique, documents de l’INPES et du planning familial sur la contraception, les IST…

 

Séance 3

Cette séance a été spécifiquement axée sur la construction du genre et les rapports sociaux de sexe.

Cette séance, clairement autour de la compréhension et de la dénonciation du sexisme, a été la plus « tumultueuse » pour le groupe. Nous pensons que pour des groupes majoritairement ou exclusivement composés de jeunes hommes, la prise de conscience que les hommes sont les bénéficiaires de l'organisation sexiste de la société n'est pas aisée. Quand des phénomènes bien compréhensibles d'opposition se mettent en place, il est possible de tenter de dépasser cette résistance en établissant des parallèles entre le sexisme et d'autres systèmes de domination comme le racisme.

Nous avons commencé la séance par un retour autour de la séance précédente, ce qui a généré des tensions dans le groupe des garçons, qui ont évoqué leur opposition au mouvement «Me too», et au fait que les violences conjugales et agressions sexuelles sont majoritairement produites par des hommes. Suite à cette discussion mouvementée, nous avons utilisé une vidéo de Marine Spaak qui pose les bases de la mécanique du sexisme. Puis, nous avons mis en place un support de discussion à base d’un « jeu » : un quizz sur les réalités sociales du sexisme aujourd’hui. Nous avons animé ce temps en deux équipes, ce qui permet aux jeunes de chercher vraiment les réponses dans une ambiance ludique. Ce support permet d’aborder le sexisme sous différents aspects (violences conjugales, pourcentage de femmes à l’assemblée nationale, salaire moyen, représentation des femmes dans le sport, la culture, les médias…), et cela facilite l’apport d’éléments statistiques, d’analyses sociologiques…

 

Séance 4

Pour cette dernière séance, nous avons souhaité travailler sur la notion d’« allié », afin de réfléchir à la manière dont on peut, même quand on n’est pas directement touché par une oppression, se positionner en soutien. Pour cela, nous avons utilisé l'outil du théâtre-forum dans le but d'ouvrir des possibles aux élèves, et de s'exercer collectivement à réagir face à des situations dans lesquelles s'expriment des formes d'injustice et de violence (notamment des violences de genre), qui concernent les élèves ou leurs proches.

Nous avons, nous-même, joué des saynètes emblématiques des rapports d’oppression genrée et la classe a pu ensuite intervenir pour transformer la situation problématique. En suivant ainsi les « règles » du théâtre-forum, les élèves peuvent prendre le parti des « opprimé.e.s », ou la place des témoins, pour cesser d'être complice des oppresseurs. Nous avons ensuite utilisé un support vidéo (Cam Clash) pour travailler sur des discriminations dans l’espace public, et sur comment nous pouvons agir et réagir.

Ce travail a été fructueux et a bien porté ses fruits. Cela nous a permis, pour terminer, de faire le lien avec d’autres situations de discrimination auxquelles ils et elles font face.

 

Conclusion générale

Cette année encore, nous avons constaté que le travail que nous menons est nécessaire. On constate que les propos et les comportements ouvertement sexistes, homophobes et racistes s'affichent dans les classes. Même si ces 4 séances ne sont évidemment pas suffisantes pour aborder en profondeur avec les élèves toutes ces problématiques, ce projet qui s'adosse à d'autres projets portés par l'établissement Guynemer s'inscrit dans une démarche pédagogique cohérente visant à développer la réflexion des élèves sur les moyens de faire société ensemble.

 

Virus 36